Bizarre
Un jour de l’année dernière, j’ai été prise d’une frénésie de vidage des photos accrochées aux murs de la salle à manger. J'ai viré tous les cadres, sauf un, allez savoir pourquoi : celui contenant la dernière photo de mon père vivant. Il est avec ma fille cadette, on était sortis tous les trois au château de Versailles et mon père s’asseyait sur toutes les chaises qu’il voyait tellement il était essoufflé. Ça-va, ça-va, qu’il chuchotait (il n’avait plus de voix) (mes parents, les rois du fais comme si…)
La photo en question est au même endroit depuis quatorze ans, c’est-à-dire depuis la mort de mon père.
En mars dernier il s’est passé un truc bizarre (il paraît que je suis la reine des trucs bizarres, des hasards et tout ça, mais bon, être la reine des trucs bizarres, est-ce une explication suffisante?). Deux jours après que ma fille se soit enfuie de chez elle, le cadre avec la photo en question s’est cassé la margoulette. J’avoue, ça m’a fait flipper grave. Yavait aucune raison que ce cadre dégringole comme ça brusquement après quatorze ans de bons et loyaux services, alors que c’était le matin, tout était calme, aucune tornade ne s’était levée pour faire trembler les murs. Alors quoi ?
Quitte à y voir un signe (je me connais, j’en aurais vu un de toute façon) j’ai décidé qu’il était de bon augure : la chaîne de la violence était en train de se briser grâce à ma fille.
Six mois après on remet ça. C’était le jour du compte-rendu d’audience statuant sur la garde des enfants. Enfin, ce jour-là, mais avant qu’on ait la réponse. Une fleur que ma fille m’avait offerte un mois avant (le 9 août, jour de la St Amour), et que j’avais accrochée au mur de ma cuisine (je parle de la fleur, pas de ma fille) est tombée, comme ça, sans raison raisonnable. J’ai eu un mauvais pressentiment, purée ! Le pire c’est que le pressentiment était fondé. Enfin bref.
Et oui, mesdames et messieurs, la femme que vous avez en face de vous est une grande superstitieuse. Cet été je voyais ma fille préparer la rentrée des garçons, acheter toutes les affaires scolaires et je flippais comme une malade tellement j’avais peur que ça lui porte la poisse. Et ça lui a porté la poisse. Ou pas. Comment savoir ?
J’ai beau savoir que c’est idiot, mes pensées débilos me grillent de vitesse! Sales bêtes ! Quelles mouches les piquent ? Moi qui n’ai toujours que des intentions pacifiques, c’est curieux cette façon de se braquer sans raison. On pourrait discuter, je sais pas moi, Sucrette débilos contre Sucrette neuronée, rapprocher nos points de vue, se faire un free hug même, un petit moment de chaleur et de compréhension dans ce monde de brutes ! On ne s’écoute plus de nos jours, c’est vraiment chacun pour soi, c’est moche, oui c’est moche j’vous l’dis moi !