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"Cent" blog fixe
3 novembre 2015

Elle est cool la vie

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Cette année j’avais "mes" garçons (i.e. ceux de ma fille) pour fêter Halloween. Enfin, fêter Halloween à ma façon, car je suis anti-bonbons. En revanche je suis archi-pour partager les légendes celtes, car c’est une civilisation passionnante. Ce que j’ai fait ce soir-là.

Je leur ai raconté que pour nos ancêtres les Gaulois il n’existait que deux saisons : la sombre et la claire. Qu’ils fêtaient le début de la saison sombre la 15e nuit avant atenoux de Cutios (1er novembre). Les Gaulois en effet ne comptaient pas les jours comme nous. D’abord ils ne comptaient pas en jours, ils comptaient en nuits. Pour eux, c’était la nuit qui précédait le jour et non l’inverse (même si au bout d’un moment, on peut imaginer que la nuit ne va pas tarder à le suivre, enfin passons). Les noms des mois gaulois, n’en déplaise à Goscinny, se terminaient par -os et pas par -ix. L’année gauloise commençait en juin par le mois de Samonios. Elle se terminait donc en mai (logique) par le mois de Cantlos. Chaque mois était divisé en deux quinzaines, avant et après atenoux (la nuit du milieu).

Samain était une période autonome, hors du temps. Elle n’appartenait ni à la saison claire (qui s’achève), ni à la saison sombre (qui va commencer). C’était "un intervalle de non-temps" qui permettait aux vivants de rencontrer les défunts, et aux défunts non réincarnés de passer dans le monde des vivants pour y retrouver les lieux et les personnes qui leur étaient chers.

La veille de Samain avait lieu la cérémonie de la renaissance du feu. Les propriétaires des maisons éteignaient les feux de l’âtre avant de se rassembler à la nuit tombante sur la place où les druides procédaient à l’allumage d’un nouveau feu sacré en frottant quelques bois secs du chêne sacré. Ils allumaient ensuite de grands feux de joie sur les collines environnantes pour éloigner les esprits malfaisants. Puis chaque maître de maison repartait avec quelques braises tirées du nouveau feu sacré pour rallumer un nouveau feu dans l’âtre de sa maison, feu qui devait durer jusqu’à la prochaine fête de Samain et protéger ainsi le foyer tout au long de l’année. (Ici, plus modestement, nous avons allumé quelques bougies récalcitrantes).

Dans cette dernière nuit d’Ogronios (31 octobre), le monde des morts, des fées et des sorcières entrait donc en contact avec celui des vivants. Les âmes des défunts revenaient errer autour des maisons et c'est pourquoi les gens laissaient la porte entrouverte et une place à table et que l’on plaçait des lanternes sur les chemins pour les guider.

Comme mes petits-fils trouvaient ça glauque, je leur ai expliqué que les enfants gaulois n’étaient pas effrayés par toutes ces choses. Ils les apprenaient dès l’âge de sept ans de la bouche des druides instituteurs. Ils connaissaient par cœur la vie des héros chantée par les bardes, le calcul, le rythme des saisons, la composition de l’univers, le nom des étoiles, le courage, l’honneur, les droits et les devoirs envers leur peuple et leur famille. Ils ne craignaient pas la mort, ils savaient qu’elle n’est qu’un passage, que l’esprit ne peut pas mourir, qu’un jour, il se sépare du corps qu’il a animé pendant la vie pour se fondre dans le cercle de celui de l’Incréé que Nul n’Ose Nommer, que dans la pauvreté du langage humain les Gaulois appelaient des dieux : Toutatis, Lug, Tarranis, Cernunnos, Sucellus.

Mes petits-fils étaient pendus à mes lèvres tandis que leur mère boudait parce que cela ne correspondait pas tout à fait à ce qu’elle avait lu sur internet. À la suite de quoi le cadet m’a réclamé un cours d’italien comme ceux que je lui donnais quand il était petit, ce qui n’avait aucun rapport avec la choucroute, preuve qu’il est bien de ma famille !

Notre repas d’Halloween était haut en couleur (orange), puisqu’il était composé de carottes râpées, de purée de potiron et de mandarines.

Tout s’est bien passé, jusqu’à la conclusion du plus jeune de mes petits-fils que je m’empresse de vous livrer ici.

Je précise que cet enfant vit dans un monde particulier : le sien.

Dans son monde on passe à table non pas quand on le lui demande mais quand il a fini son dessin ou son jeu en cours (qui est alors la chose la plus importante de l’univers). Dans son monde on quitte la table quand on n’a plus faim et non pas quand tout le monde a fini. Dans son monde on se sert en mandarines sans rien demander à personne, puisque, vous l’aurez compris, on s’est débiné avant la fin du repas.

Comme je n’ai pas pu m’empêcher de lui en faire la remarque, le loustic, pas démonté, m’a fait cette réponse merveilleuse (retranscription approximative car il a des problèmes d’élocution):

"Mais mamy ? Je demande jamais ‘ien à pé’sonne, moi. Je fais ce que je veux. Si mon pè’ me g’onde je lui demande pa’don et voilà, ap’ès il è p’us fâché. Elle est cool la vie !"

T’as raison mon chéri: elle est cool la vie ! Pourquoi se prendre la tête, franchement ?

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