La langue italienne me fait fondre comme de la crème. Ça vient d’un béguin de vacances de mes tendres années, il s’appelait Ugo, c’était un Italien, un Italien de l’Italie, ce pays plein d'odeurs, de couleurs merveilleuses, ce pays qui était la passion folle de mes parents .. L’Italie, c’était notre Eldorado, je me rappelle après avoir franchi la frontière, gamine, je me ruais sur le sol pour l’embrasser, oh que je t’aime Italie que je t’aime ! Je me relevais les doigts pleins du goudron fondu par la chaleur. A cette époque, passer la frontière c’était pas rien, une file interminable de voitures qui attendaient leur tour, Papa au volant de sa 404, la remorque aux fesses, même qu’une fois il a fallu tout déballer, absolument tout, et comme il n’avait rien trouvé, le douanier s’en était pris à mon petit carnet, sauf qu’à cette époque je ne savais pas écrire, alors lui, il a cru que tous ces signes c’était des codes, qu’on était des espions ou quelque chose du genre, mes parents s’étaient étonnés de ce professionnel acharnement, mais rien n’a jamais pu entamer leur joie de partir et ils avaient remballé la remorque et mes carnets éparpillés en sifflotant ..
Ma mère, un vrai sirop de la rue, à 16 ans le sac à dos avec sa petite tente, après elle a contaminé mon père, lui qui ne connaissait que ses Sables, elle ne vivait que pour les vacances.. On partait les deux mois direct, juillet avec ma mère seulement, on n’allait pas loin pour que papa puisse nous rejoindre le week-end, août c’était les congés du père et c’est là qu’on partait pour l’Italie, toujours quelque chose qu’on n’y connaissait pas, et même si on connaissait on y retournait parce que c’était tellement beau, l’Adriatique et le ciel bleus à l’infini ! Les cloques qu’on se chopait au soleil, la peau du dos en lambeaux, impossible d’y poser le drap de couchage ! Trois jours plus tard on était cuits comme des pains d’épices, et à peine in piedi on courait trois, dix fois jusqu’à il Mar Adriatico, ce qui fait que tout le temps on avait du sel sur les bras à lécher avec délice ..
Rimini
Venise
Il deserto
Paestum
Pompéï
Vésuve
champ de lave au pied du Vésuve
Iesolo
Alors le Ugo, était-ce à Fano, à Rimini, à Serigalia ? Je ne sais plus, je me rappelle juste de mes 13 ans, de ses 18, du petit bal dans la nuit tiède et parfumée, ma tête posée dans le creux de son cou et ses mots qui s’égrenaient, toutes ces choses qu'il m'a dites comme des cadeaux précieux, du miel sur ma peau des caresses de plume, il me déshabillait de mots pour me vêtir des siens, et ça éclipsait tout, ça bruissait, je faisais un pas, ça ondulait, un peu d’élan et je me serais envolée … Alors forcément, j’avais bien été obligée de gémir et de gémir encore, alors évidemment mes jambes avaient ployé et toute ma vie avec, je me tenais aux mots, à ses cheveux dorés qui sentaient si bon, je les tenais fort comme une rassurance dans cette perdition, et je respirais à petits coups, pour trouver la force de ne pas être forte, de n’être rien, rien qu’une petite nana recroquevillée dans des mots …