Une miette de pain
"Attends, attends," qu'il dit comme ça l'ami Blutch, "il y a quelque chose qui cloche me semble-t-il. Il faisait TRES BEAU et CHAUD, la mer était SUPER BONNE et tu avais peur de te les cailler en sortant de la baille ? Il est où le bugue ?"
Le bug ? Rien à voir avec la température extérieure (ceci dit, si on était allés à Quend à 14h au lieu de 20h, je serais allée nager ça c'est sûr!).
Je vous explique.
Il y a un certain temps, enfin toute ma vie d’avant en fait, j’avais tout le temps chaud. Mais quand je dis "chaud", c’est vraiment chaud ! Au lit, c’est moi qui réchauffais les pieds, c’est dire ! J’avais en permanence la sensation d’être un moteur en surchauffe. Comme par ailleurs j’ai toujours été particulièrement patiente, pulsive, calme et modérée, vous avez juste à imaginer ce qu’était ma vie (et celle des autres)! Ceci dit, quand on a quelque chose qui est casse-bonbon dans la vie on a forcément autre chose qui compense. Et ma compensation, c’est sur ma facture d’EDF que je l’avais, surtout l’hiver. Ben oui, pas besoin de chauffer vu que j'avais toujours trop chaud !! Pas besoin non plus de gros pulls, d’emmitouflage et autres mitaines !
Or, un jour qu’il est possible (je dis bien possible. Chacun voit midi à sa porte) que j’aie très très légèrement pété les plombs, ainsi qu’un certain nombre d’assiettes qui de toutes façons étaient toutes dépareillées, le père de mon fils secouant la tête d’un air las m’enjoignit très fortement d’aller consulter. J’adhérai à son enjoignement avec d’autant plus de grâce que 1) la grâce est innée chez moi et que 2) je commençais à ne carrément plus me supporter. Ce qui, vous en conviendrez, est drôlement embêtant.
C’est comme ça que j’appris qu’un nodule chaud s’était logé dans ma glande thyroïde. Ni une ni deux le médecin me débita toute une panoplie d’arguments censés me convaincre de me faire opérer.
- Vous ne serez plus maigre !
- Comment ça je suis maigre ? Mon poids me convient très bien !
- Vous n’aurez plus les yeux exorbités !
- C’est avec des arguments comme ça que vous réussissez à envoyer vos patientes sur le billard ?
- Écoutez de toutes façons, vous n’avez pas le choix, parce qu’il n’y a pas d’autre solution que l’ablation. Mais ne soyez pas inquiète, nous maîtrisons parfaitement la thyroïdectomie à présent. Après vous avoir endormie, bien entendu (huhuhuhu), on va vous ouvrir le cou en deux..
- Glps..
- .. ensuite, un petit coup de bistouri et hop ! plus de nodule ! on vous laisse comme ça le temps de l’analyser ..
- Ah bon ? parce que si c’est bénin vous me le remettez ?
- Mais non mais bon, on va pas refermer si deux secondes après faut rouvrir pour enlever tout le reste ! on n’a pas que ça à faire non plus !
- Ben justement, si vous n’avez pas que ça à faire je vais plutôt rester chez moi..
- Non-non ! je viens de vous dire que vous n’avez pas le choix ! Allons mon petit qu’est-ce que c’est qu’un nodule de rien du tout ? hein ? une goutte d’eau, une miette de pain dans la boulangerie de votre vie !
- Oui ben moi j’y tiens à ma miette !
- Tsss tssss.. bon, allez chercher vos petites affaires, qu’on ne perde pas une minute. Le temps c’est de l’argent !
Et voilà. C’est comme ça que je me suis retrouvée sans radiateur intégré. C’est comme ça que, pour la première fois de ma vie, je découvre ce que c’est que d’avoir froid. Ben c'est pas marrant!
Et vous ? Frileux/frileuse ??