Super choc hier quand j’ai entendu la chanson "Je vole" alors qu’enfin, depuis le temps que je veux voir ce film, je regardais "La famille Bélier". C’est fou comme certaines chansons peuvent vous propulser quelques millions d’années en arrière (j’aime bien dire quelques millions d’années en arrière, même si ça n’a aucun sens)(à moins de croire à la réincarnation).
Enfin bref.
J’ai 20 ans et je joue à la poupée (avec une vraie poupée). Je suis mariée, j’ai une super jolie alliance (en or !) que je porterai encore longtemps après ma séparation (jusqu’à ce qu’une copine me le fasse remarquer, en fait : "Tiens ?? Tu portes toujours ton alliance ??"). J’ai changé de nom (Joie ! À cette époque, je HAIS le nom de mon père, une vieille histoire ...). Ma petite princesse est belle, je l’adore, j’adore jouer à la poupée, j’en veux encore plein, des jumeaux, des jumelles, des triplés !
Je vole. Je voooole! J’ai quitté un endroit où je dois rendre des comptes sur tout, dire où je suis, où je vais, avec qui, pour un endroit où on me fait confiance, on me laisse libre, libre de tout ... Cet endroit, les commerçants du coin l’appellent "La maison du Bon Dieu" : c’est là que vivent les parents de mon jeune époux, 19 ans !! Ainsi qu’icelui, évidemment.
Bien jeune, oui ! me dis-je avec mes yeux de vieille d’aujourd’hui, sauf qu’à l’époque, je ne le voyais pas. Je ne voyais rien, sauf qu’on voulait jouer dans la cour des grands ! Ça n’avait pas été sans mal, au début j’avais tellement tout le temps envie d’être avec lui, pas sûre que cela ait été réciproque mais bon... Je me revois tourner en rond dans ma chambre les soirs où mon père refusait que j’aille le retrouver, je déchirais rageusement mes mouchoirs en tissu trempés de mes larmes, c’était ça ou les coups de ciseaux rageurs dans les cheveux, parce que jamais je n’aurais osé désobéir à mon père !
Jusqu’aux vacances scolaires de février 1975 (j’étais encore étudiante à l’époque).
Je ne sais plus qui de nous deux a eu l’idée que nous les passions ensemble chez ses parents ? Toujours est-il que mon chéri m’annonce qu’il va demander l’autorisation à mon père "pour la forme" puisque la majorité vient de passer de 21 à 18 ans ...
Je ne disais rien à cette époque-là. Ce n’est pas que maintenant je la ramène beaucoup, mais quand j’étais jeune je la ramenais moins que pas. Or donc, mon chéri fait sa demande. Je suis sûre que vous vous doutez de la réponse de mon père : "Mais oui ma chérie, va, vole !".
Je rigole ! Il a dit NON. Et à mon humble avis, s’il existait un mot plus fort que non, il l’aurait dit aussi pour faire bonne mesure. Je revois la scène, mon chéri me prend par la main pour m’emmener... En vrai je ne vois rien du tout parce que j’ai tout oublié, sauf le fait que je suis partie sans l’accord de mon père et que j’en ai crevé...
Mes chers parents je pars, je vous aime mais je pars, vous n’aurez plus d’enfant, ce soir…
Papa avait sûrement dû demander à Chéri comment il voyait l’avenir, lui qui n’avait pas de diplôme, pas de travail, qui vivait encore chez papa-maman ? Comment comptait-il subvenir à mes besoins ? Chéri avait dû l’envoyer promener, comme il l’a fait les onze années suivantes avec une constance admirable parce qu’il savait tout mieux que tout le monde.
Et voilà.
Papa a-t-il pensé ce jour-là qu’il avait fait exactement le même coup à ses parents ?? En pire, même : maman était enceinte de moi !
J’étais allée dans ma chambre faire ma valise, la grande noire, celle qui me servait pour les allers-retours à l’École Normale.
Maman est assise par terre, elle pleure sans discontinuer. Maman pleure, c’est tout ce qu’elle fait. Peut-être dit-elle : "Pourquoi tu t’en vas ? Tu n’es pas bien avec nous ?". Est-ce qu’elle s’en veut de m’avoir donné la pilule ? Est-ce qu’elle s’en veut d’avoir permis qu’on amène nos petits amis à la maison plutôt qu’on le fasse "dans son dos"? Je ne le saurai jamais, puisque, lorsque bien plus tard j’essaierai d’en parler avec elle, elle dira simplement : "N’importe quoi ! Ta sœur et toi, vous avez fait n’importe quoi !". Fin de la discussion.
La valise dans le couloir.
Papa qui dit : "SI TU PARS, C'EST PAS LA PEINE DE REVENIR!"
Voilà, premier de mes non-choix.
Peut-être que si Papa avait permis que l’on passe quinze jours ensemble, la suite aurait été différente ? Peut-être que finalement, j’aurais changé de mec ? Après tout, Chéri ne voulait pas d’enfant, j’en voulais quinze !
Peut-être que ma frangine ne se serait pas débinée aussi pour venir habiter avec nous ?
Heureusement, dans cette perdition il y a eu Hélène. Hélène mon point d’attache, mon havre de paix, Hélène la mère que je n’ai jamais eue. Hélène qui s’étonnait de ma "drôle de maladie" (je pleurais beaucoup, j’ai toujours adoré ça!!! Hier devant le film j'ai pleuré comme une Madeleine!), Hélène qui me disait : "Mais sois un homme, ma fille !".
Ses petites leçons pour m’endurcir n’ont pas très bien marché, je crois....